Sur la totalité de ses interventions, Houssem Hamdi a formé près de 20 000 enfants et adolescents. Photo : Simon Philippe/EPJT.
Propager les réflexes écologiques grâce à la jeunesse, c’est le pari d’associations tunisiennes. Sensibilisation, accompagnement, formation, campagnes de nettoyage… tout est fait pour que les jeunes prennent leur destin en main.
Recueilli par Simon Philippe (photos Manon Van Overbeck)
oussem Hamdi, 38 ans, est informaticien à Tunis. Passionné d’écologie, il préside l’association Tunisie recyclage. Il est également membre de SoliGreen. Sa principale préoccupation : éveiller les consciences en organisant, notamment, des conférences pour sensibiliser la jeunesse tunisienne.
Vous étiez, le 15 novembre 2019, à l’Institut français de Tunis pour une conférence intitulée La parole aux ado : changement climatique. Pourquoi vouloir vous engager auprès de la jeunesse ?
Houssem Hamdi. Le but de notre association est de toucher les gens. Seuls, on n’y arrivera pas. Que quelques uns ou juste moi ayons des bonnes pratiques environnementales ne sert pas à grand chose. Les jeunes sont vecteurs d’une conscience écologique. Ils peuvent amener certaines habitudes chez eux, dans leurs foyers ou dans leurs écoles. Quasi systématiquement, lorsqu’on m’invite pour parler d’écologie avec des enfants ou des adolescents, j’accepte.
L’un de vos projets d’envergure se nomme l’EchoSchool. Quels sont ses objectifs ?
H. H. Nous avons monté ce projet en 2015. Il y a beaucoup d’intervenants et d’associations qui y participent. Les buts sont principalement de donner la parole aux nouvelles générations, de les sensibiliser et de les accompagner dans une logique et une démarche écoresponsable. Sur la totalité de mes interventions, j’ai dû former près de 20 000 enfants et adolescents. Il n’y a pas d’âge moyen, tout le monde est invité.
Vous êtes membre actif de deux associations portant sur l’environnement. La jeunesse est-elle toujours au centre de vos actions ?
H. H. Nous menons d’autres actions – notamment avec l’association SoliGreen – qui sont ouvertes à tout le monde. Mais la force motrice de ces manifestations reste la jeunesse. Celle-ci est plus impliquée, elle fait preuve d’une certaine vivacité lorsqu’il s’agit de changer les choses. Les adultes sont aussi beaucoup présents mais les actions requièrent un souffle que les jeunes sont plus aptes à apporter.
Vous avez aussi pour objectif de planter 12 millions d’arbres en Tunisie d’ici fin 2020…
H. H. En soit, cela représentera un arbre par Tunisien. Nous ne sommes pas sûrs d’arriver à achever cette mission à temps. Mais plus on en fait, mieux c’est.
Nous organisons aussi une campagne de nettoyage environ une fois par semaine. Pour moi, cela représente plus ou moins 100 campagnes depuis le début de mon engagement. Dans tout le pays, nous sommes environ une centaine de bénévoles, des jeunes et des moins jeunes.
Nous avons totalement décentralisé nos actions, même si nous ne sommes plus nombreux sur le Grand Tunis. Par exemple, nous allons faire de la prévention lors de festivals de musique. Nous allons agir de deux manières différentes : via la prévention lors de l’événement et en plantant des arbres pour compenser les excédents de carbone produits lors du festival.
Pensez-vous qu’il existe une conscience écologique en Tunisie ?
H. H. Au niveau mondial, déjà, il n’y a pas de conscience écologique. C’est pareil en Tunisie, ce qui rend le problème très complexe. Je pense qu’il ne faut pas séparer les différents pays lorsque l’on parle écologie.
Aujourd’hui, si on jette un déchet en France, en Algérie ou en Italie, il impactera également la Tunisie. Et vice versa. De la même manière, si on adopte, juste soi-même ou en petite communauté, des pratiques écoresponsables sans penser aux autres, cela ne sert à rien. Ce que nous voulons faire, c’est développer une génération écologique qui agit partout : dans les quartiers populaires et ceux plus aisés, dans les zones rurales ou urbaines… Nous sommes tous concernés par l’écologie.
« Nous poussons les jeunes à créer des actions en les orientant et en les conseillant »
Après la période électorale, des initiatives citoyennes qui ont pour but de nettoyer les villes ont vu le jour. Pensez-vous que ces changements politiques peuvent entraîner des actions concrètes ?
H. H. Il y a eu des campagnes de nettoyage après l’élection de Kaïs Saïed, mais ce sont surtout des actes politiques. Dans l’esprit des Tunisiens, ce qu’on appelle Makhar, la saleté, a un lien direct avec la corruption. Ainsi, lorsque quelqu’un d’aussi probe que monsieur Saïed est élu, il est normal de voir de telles actions. Cependant, j’ai peur que ce ne soit que passager. J’espère qu’un jour ces mouvements viendront de groupes de citoyens pour des raisons environnementales.
Kaïs Saïed ne s’est pas exprimé sur le changement climatique. J’espère, et je crois, qu’il sera à notre écoute. Je ne pense pas qu’il fera des enjeux climatiques sa priorité. Il y a beaucoup d’autres problèmes en Tunisie. Mais il arrivera à faire avancer cette cause. Même avec cette volonté, le président n’a pas beaucoup de prérogatives. Le vrai champ de bataille se déroulera dans l’assemblée où se prennent vraiment les décisions politiques.
Quel est pour vous le frein majeur à l’avancée de l’écologie en Tunisie ?
H. H. Ce qui se fait en Tunisie en matière d’écologie, ce n’est que de la sensibilisation. Les gens parlent des problèmes environnementaux mais n’agissent pas. Nous cherchons donc aujourd’hui, avec les associations, à monter en priorité des projets. Nous poussons les jeunes à créer des actions en les orientant et en les conseillant. Nous souhaitons les rendre acteurs en les aiguillant vers de bonnes réflexions, de bonnes décisions et de bonnes solutions.
C’est à ça que servent les campagnes de nettoyage. Ce ne sont pas des actions a très haute valeur ajoutée pour l’environnement. Très concrètement, on déplace un déchet d’une plage vers une décharge. Si l’on ne valorise pas le déchet, l’action est presque inutile. Mais c’est avec ce genre d’initiatives que l’on arrive le mieux à sensibiliser et à former les jeunes du pays.
Quand on met la main à la pâte, on se rend vite compte de la situation. Par ces actions, on minimise légèrement l’impact des déchets sur notre environnement et on forme une nouvelle génération écoresponsable.