Zineb Belghazi, graine de championne

Par Melena HELIAS

Photo : Mathilde Warda/EPJT

 

À seulement 19 ans, Zineb Belghazi impressionne par sa détermination. Après avoir obtenu son baccalauréat l’an dernier, la Marocaine a mis de côté ses études pour se consacrer entièrement au sport. Athlétisme, taekwondo et fitness rythment un emploi du temps très chargé. Seule sportive au sein de sa fratrie, elle se dit soutenue par sa mère, qui pratiquait le volley-ball, et son père, ancien sportif touche à tout.

Zineb a commencé l’athlétisme il y a trois ans.

Ses débuts dans le monde de l’athlétisme sont étonnamment récents. En 2015, Zineb participe à ce qu’elle appelle un marathon, une course de 4 kilomètres organisée dans la ville de Bouznika, au nord du pays. À sa grande surprise, elle remporte la compétition. « Avant, ma pratique se limitait à courir contre des garçons à l’école », se remémore-t-elle. Après plusieurs années d’équitation et de gymnastique, elle s’inscrit donc au club d’athlétisme des Lionceaux de Marrakech. Elle a tout juste 16 ans.

Pour sa mère, Zineb Belghazi est une personne « motivée et ambitieuse ».

Zineb est décrite comme « indépendante et organisée » par son amie Oumaima Hilal, elle-même athlète à Rabat. Cependant, ses relations avec son entraîneur sont une ombre au tableau. Zineb reconnaît avoir un très fort caractère et trop de fierté, ce qui peut parfois compliquer les choses. Elle souligne l’importance d’être bien encadrée et se sent trop peu soutenue. La sprinteuse reste convaincue que son souci relationnel avec son coach d’athlétisme a un impact sur ses résultats : « Sans cela, je casserais la barre de 12” au 100 mètres. » Son record personnel est à 12”07.

Si sa mère s’inquiète de cette situation, Zineb, elle, se dit frustrée mais préfère mettre l’athlétisme entre parenthèses quelques temps. « Pour être à 100 %, il faut 70 % d’investissement personnel et 30 % qui reviennent à l’entraîneur », affirme-t-elle de sa petite voix. Dernièrement, elle a donc lâché un peu de lest et se rend moins sur la piste d’athlétisme. Elle compense toutefois avec le taekwondo, débuté il y a quelques mois, où elle évolue en ceinture orange.

Pour elle, ses autres activités sont complémentaires à son sport principal, le 100 mètres. « Le taekwondo, par exemple, m’apporte du cardio, de la souplesse et de la précision dans les mouvements qui me sont utiles pour l’athlétisme. »

Autre problème, ses menstruations extrêmement douloureuses. « C’est ce qui me travaille le plus, explique-t-elle. Quand j’ai mes règles, je ne peux pas marcher. Parfois, je suis même hospitalisée. » Deux jours par mois, il lui est donc impossible de s’entraîner. Au-delà de la douleur physique, cette situation est mentalement difficile pour la jeune femme : « Quand je ne m’entraîne pas, je me sens faible et impuissante. » Malgré cela, il y a deux ans, lors des championnats nationaux qui ont eu lieu à Rabat, la sprinteuse est parvenue à remporter la médaille d’argent sur 100 mètres, en catégorie cadettes.

Zineb Belghazi admet avoir un « fort caractère » et « trop de fierté ».

Zineb le constate chaque jour : au Maroc, les 100 et 200 mètres sont des distances négligées, contrairement au demi-fond et à l’endurance. Un bilan partagé par sa mère : « Ma fille est très motivée et ambitieuse. Malheureusement, ici il n’y a ni les moyens ni le suivi pour encadrer les sportifs qualifiés. » Zineb a donc pris la décision de s’expatrier l’an prochain. Elle se verrait bien s’entraîner en France (Rouen) ou en Espagne (Valence).

Zineb Belghazi se rend à la salle de sport trois à quatre fois par semaine.

À long terme, Zineb ambitionne de devenir psychologue et sportive de haut niveau chez elle. Parmi ses modèles d’inspiration, elle cite, entre autres, la championne marocaine de 400 mètres haies, Nezha Bidouane mais aussi la Néerlandaise Dafne Schippers, ou encore les Jamaïcains Asafa Powell, pour son départ, et Usain Bolt, pour sa manière de courir.

Objectif assumé : les jeux Olympiques de Paris dans cinq ans. « Si à 23 ans je n’y parviens pas, j’abandonne. » Ce serait pour elle un échec. Mais quoi qu’il arrive, elle sait qu’elle continuera de pratiquer un sport. Comme métier, elle envisage de devenir DJ. Ou journaliste de sport. Zineb n’est pas à court d’idées.

Un pays coupé en deux 

Le Cameroun est divisé en deux parties depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vaincue, l’Allemagne quitte le territoire qui est alors partagé entre la France, pour la partie orientale, et le Royaume-Uni, pour la partie occidentale. Le pays devient indépendant en 1960. Les mouvements séparatistes anglophones débutent après la proclamation de la République unie du Cameroun en 1972. Ces contestations prennent un tournant politique à partir du milieu des années 1990.

Aujourd’hui, ce pays d’Afrique subsaharienne vit une guerre civile qui passe inaperçue. Depuis novembre 2016, la minorité anglophone (20 % de la population du pays) proteste contre sa marginalisation. Les manifestations sont lourdement réprimées par le gouvernement en place.

La situation est alarmante, même si établir un bilan est compliqué. Il y aurait près d’1 millier de morts et 500 000 déplacés. Nées d’une crise socio-politique dans les régions anglophones du pays, ces tensions se sont transformées en conflit armé en 2017 entre les forces gouvernementales d’une part et différents groupes séparatistes d’autre part. La radicalisation de ce mouvement a été amplifiée par le blocage d’Internet dans une partie du pays entre février et avril 2017. Malgré une situation qui ne cesse de se dégrader, le conflit semble ignoré par la plupart des médias et la communauté internationale. Paul Biya, au pouvoir depuis trente-cinq ans, dissimule l’importance du conflit qu’il qualifie de simples « troubles ».