marrakchis jusqu’au bout de la nuit

Par Eléa CHEVILLARD et Lucie ROLLAND

Touristes et jeunes Marocains sont nombreux à converger vers Marrakech pour sa vie nocturne. Pourtant, à l’approche du Ramadan, certains bars de « l’Ibiza low cost » se vident.  

Vendredi soir, 21 heures 30. Nous franchissons les portes de L’Envers. Coincée au milieu de la rue Ibn Aïcha entre un restaurant de cuisine traditionnelle marocaine et une supérette de quartier, la façade de ce bar ne paie pas de mine.

À deux pas de Guéliz, quartier neuf et branché de Marrakech, le lieu propose une escapade haute en couleurs dans un cadre charmant, quoique exigu, mais à l’abri des regards. 

À l’intérieur, nous croisons deux videurs patibulaires qui encadrent l’entrée. Baignant dans la lumière rouge de l’enseigne, L’Envers a des airs de galerie : street art et tableaux aux murs, guirlandes d’ampoules nues qui pendent du plafond et décoration industrielle.

Si on oublie l’aspect rustique de l’épais rideau, l’endroit est plutôt chaleureux.

Les noctambules marrakchis sont nombreux à venir siroter un cocktail dans cette ambiance feutrée d’atelier d’artiste. 

Le temps d’une soirée, le bar propose de réunir l’art et la fête. Photo : Eléa CHEVILLARD/EPJT

 

Régulièrement, l’ambiance se métamorphose au gré des fantaisies vestimentaires des fêtards, qui redoublent d’imagination dans leurs déguisements pour gagner une consommation gratuite.

« Personnellement, je vais à L’Envers essentiellement pour la musique. Mais j’y vais aussi pour les opportunités sociales que le bar offre. Les gens sont drôles quand ils sont bourrés », plaisante Amine, 19 ans.

La recette du succès de L’Envers est simple : ambiance tamisée, boiseries et banquettes en cuir. Les premiers arrivés aiment y siroter une bière ou y déguster bagels, tacos ou planches apéritives.

Les prix des consommations s’échelonnent de 4 à 150 euros, de quoi proposer des verres à tous les budgets et séduire une clientèle large.

Jeune, aussi, puisque dès minuit, L’Envers se métamorphose. La musique devient plus forte, l’intensité des lumières baisse et la jeunesse marrakchie s’empare de la piste. 

Sur des sonorités enivrantes, à mi-chemin entre le raï (musique algérienne) et l’électro, les corps s’agitent six soirs sur sept, chaque semaine, à mesure que les DJ alternent aux platines.

Bouées, brassards et colliers de fleurs, une soirée à thème « vacances » à L’Envers. Photo : Eléa CHEVILLARD/EPJT

 

Certains sirotent L’Envers, cocktail signature de l’établissement et mélange audacieux de vodka, fleur d’oranger, cranberry et liqueur de melon surmontés d’un jaune d’œuf.

D’autres n’hésitent pas à investir tout l’espace disponible pour danser, même dans les escaliers qui mènent à la mezzanine du bar.

Jusque tard dans la nuit et dans une atmosphère chargée de fumée de cigarettes, la timide rue du Guéliz vibre au rythme de la musique.

À minuit, un taxi et quelques dirhams plus tard, changement de décor. Le bal des véhicules de luxe s’enchaîne devant le complexe Es Saadi. L’Épicurien, si l’on en croit les jeunes Marocains, est une adresse incontournable.

« Généralement, on y vient en attendant de pouvoir entrer au Theatro. La musique est sympa, les verres ne sont pas trop chers et le cadre est vraiment agréable », explique une jeune femme, la trentaine, un cocktail à la main.

Devant l’entrée du casino de Marrakech, passage entre les portiques de sécurité obligatoire pour tous, mais palpation manifestement réservée aux hommes. Photo : Lucie ROLLAND/EPJT

 

Lieu de transit pour démarrer la soirée pour certains, pause bien méritée entre deux sessions de jeux d’argent pour d’autres, le « restaurant musical et cosy », comme le définit son staff, appartient à un ensemble d’envergure. 

À deux pas du luxueux Sofitel et en plein cœur de l’un des quartiers huppés de la ville, L’Épicurien est caché dans l’arrière salle du casino de Marrakech.

Après avoir traversé la pièce des machines à sous du premier casino du Maroc, destination de choix des joueurs de pokers du monde entier, L’Épicurien se profile timidement au fond d’un sas obscur.

Véritable couteau suisse, le restaurant-bar lounge propose à ses clients des prestations en live, assurées chaque soir par le groupe The Kech Experience.

Des reprises jazzy de standards de la pop, dans un cadre qui se veut féérique, fait de lumières colorées, chandeliers, strass et paillettes.

Beaucoup apprécient le show. D’autres ont le nez en l’air, les yeux rivés sur les éclats argentés de la lourde décoration qui pend du plafond et qui se reflète un peu partout dans la pièce grâce à de multiples miroirs.

Des mets raffinés sont servis dans un cadre digne d’Alice au pays des merveilles (celui de Tim Burton). Sur la carte des plats se côtoient carpaccio de poulpe à l’huile de paprika, foie gras au chutney de figues confites et spaghettis bolognaise.

Le menu est aussi divers que les clients qui le scrutent, le spectre allant des consommateurs de passage pour un verre, péniblement accoudés à un coin de comptoir, à ceux, plus aisés, attablés confortablement face à la scène.

Ici, impossible d’avoir une table sans réservation préalable. À gauche, un couple sirote un mojito et se partage quelques centimètres d’un mange-debout étroit.

À droite, une jeune femme en robe de bal et coiffée d’un diadème souffle des bougies scintillantes sur un impressionnant gâteau d’anniversaire.

Certains semblent dans leur élément. D’autres profitent de la sortie d’un groupe de clients pour s’engouffrer dans le sas qui les ramène au casino.

La musique devient distante, la symphonie des machines à sous reprend le dessus, des centaines de paires d’yeux plissés guettent le jackpot sur les écrans colorés. Il est temps de prendre le chemin du Theatro.

Une heure du matin au Theatro. Pour certains, la soirée s’achève. Pour d’autres, les festivités ne font que commencer. C’est dans un ancien théâtre que se trouve la boîte dont tous les jeunes parlent à Marrakech.

Autoproclamée « plus grande boîte d’Afrique », la discothèque se dresse fièrement, tout en lumières, à côté du Casino.

De l’extérieur, le lieu est impressionnant et semble très élitiste. Les voitures de luxe se succèdent pour déposer les filles en robes courtes et les hommes en chemises impeccables.

À l’entrée, quatre videurs filtrent l’accès. Après avoir gravi les marches, on demande aux clients de payer 300 dirhams, l’équivalent de 30 euros pour les soirées du week-end.

« Le Theatro, c’est la boîte incontournable à Marrakech et au Maroc. J’ai des amis qui viennent de Casablanca exprès. C’est là que nous venons danser, même si l’entrée n’est pas donnée. Les autres boîtes sont généralement au même prix de toute façon », confie un jeune Marocain d’une vingtaine d’années qui s’apprête à entrer.

Le Theatro séduit sa clientèle en invitant régulièrement des DJ de renommée internationale.
Photo : Eléa CHEVILLARD/EPJT

 

Entrée payée, les visiteurs découvrent la boîte de nuit après être passés au vestiaire. Les décors sont chics, les canapés sont alignés et les tables garnies de bouteilles : tout est prêt.

La musique électro retentit, une centaine de personnes danse autour du bar. La boîte de trois niveaux fait pâle figure pour un vendredi soir.

Depuis l’étage, on distingue des tables sur lesquelles des danseurs font un show vers 2 h 30 : l’événement de la soirée. Chaque semaine le thème change. Ce soir, c’est soirée orientale.

La boîte est quasiment vide. Le Ramadan démarre dans une semaine, le 6 mai. Quarante jours avant, les musulmans arrêtent de consommer de l’alcool.

« Nous avons fermé le troisième étage, comme le Ramadan approche, il y a moins de clients », explique l’une des responsables du lieu.

Le Theatro reste une adresse prisée des noctambules marrakchis. Même si elle se veut sélect, on distingue parmi les danseurs des touristes en shorts et en baskets.

Cette boîte, qui se veut être une discothèque d’exception, ne l’est qu’en apparence. 

N’importe qui peut y accéder à condition de s’acquitter d’une coquette somme pour payer l’entrée.

En fin de soirée, sur le parking baigné dans la lumière des immenses écrans qui décorent sa façade, on garde un goût amer.

L’impression d’avoir été dupées par des atours séduisants qui tentent de masquer un club en perte de vitesse.

Un pays coupé en deux 

Le Cameroun est divisé en deux parties depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vaincue, l’Allemagne quitte le territoire qui est alors partagé entre la France, pour la partie orientale, et le Royaume-Uni, pour la partie occidentale. Le pays devient indépendant en 1960. Les mouvements séparatistes anglophones débutent après la proclamation de la République unie du Cameroun en 1972. Ces contestations prennent un tournant politique à partir du milieu des années 1990.

Aujourd’hui, ce pays d’Afrique subsaharienne vit une guerre civile qui passe inaperçue. Depuis novembre 2016, la minorité anglophone (20 % de la population du pays) proteste contre sa marginalisation. Les manifestations sont lourdement réprimées par le gouvernement en place.

La situation est alarmante, même si établir un bilan est compliqué. Il y aurait près d’1 millier de morts et 500 000 déplacés. Nées d’une crise socio-politique dans les régions anglophones du pays, ces tensions se sont transformées en conflit armé en 2017 entre les forces gouvernementales d’une part et différents groupes séparatistes d’autre part. La radicalisation de ce mouvement a été amplifiée par le blocage d’Internet dans une partie du pays entre février et avril 2017. Malgré une situation qui ne cesse de se dégrader, le conflit semble ignoré par la plupart des médias et la communauté internationale. Paul Biya, au pouvoir depuis trente-cinq ans, dissimule l’importance du conflit qu’il qualifie de simples « troubles ».