Le cinema, septième voix de la jeunesse

Par Lucie ROLLAND et Emmanuel HADDEK (texte et photos)

Le septième art a trouvé sa place à Marrakech. Depuis 2006, on peut venir étudier à l’Esav. L’établissement rayonne à l’international et a vu nombre de ses anciens élèves récompensés dans divers festivals de cinéma.

Sur les deux plateaux de l’école, les élèves s’exercent au tournage. Au programme, ce jour-là, le remake d’un film de Maurice Pialat, A nos amours. Réalisateur, assistant, cadreur… chacun à son rôle. Dans leur regard, la concentration domine. Les esprits bouillonnent, l’envie de créer est palpable.

Après avoir dirigé l’Institut français de Marrakech pendant quatre ans, Vincent Melilli, 62 ans, a souhaité offrir aux jeunes la possibilité de se former aux métiers des arts visuels en créant l’Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech (Esav). Son but est avant tout de renforcer la place de la culture à Marrakech.

Vincent Mellili, directeur de l’Esav. Photo : Lucie Rolland/EPJT.

Vous êtes aujourd’hui le directeur de l’Esav mais aussi son créateur. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Vincent Melilli. Au début des années deux-mille, j’étais directeur de l’Institut français de Marrakech. J’étais venu pour passer quatre ans au Maroc. Finalement, je suis resté.

Parallèlement, j’ai créé un comité des acteurs culturels de Marrakech. Par souci de coordination, j’ai invité à une réunion mensuelle la suissesse Susanna Biedermann, directrice de la fondation Dar Bellarj. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus et nous aimions travailler ensemble.

A la fin de mon mandat de directeur de l’Institut français, je lui ai annoncé que je partais et c’est à ce moment-là qu’elle m’a parlé d’un projet plus ambitieux qu’elle voulait mener. Mais rien n’était encore très défini. Je lui ai dit : « Je sais ce qu’il faut faire, il faut ouvrir une école d’art. »

Quelles sont les origines sociales et géographiques de vos étudiants ?

V. M. C’est très mixte, à la fois socialement et culturellement. Nous avons beaucoup d’étudiants d’Afrique subsaharienne, de l’Ile Maurice, en remontant jusqu’au Maroc. Malheureusement, nous n’avons pas assez de filles. Socialement, nous avons 40 % de boursiers sur les 160 étudiants. Tous les élèves y ont droit et elles sont allouées selon des critères bien précis. Il y a des étudiants qui sont aidés sur la totalité de leurs frais, d’autre sur une partie seulement. Les aides ne sont cependant pas attribuées par l’Etat mais par des donateurs privés. Ce dispositif permet de soutenir les étudiants selon leurs besoins et c’est important.

Selon le magazine Hollywood Reporter, l’ESAV fait partie des 15 meilleures écoles de cinéma au monde et vos élèves ont obtenu beaucoup de prix. Comment expliquez-vous cette renommée internationale ?

V. M. Nous avons beaucoup travaillé, dès l’ouverture de l’école. C’était le bon moment, au bon endroit. Les gens avaient envie de regarder ce qui se passait de ce côté du monde et envie d’entendre la voix des jeunes. Nous avons fait en sorte de nous mettre sous le bon projecteur.

Dès l’ouverture de la formation – et notamment parce que nous étions une école unique au Maroc – nous avons attiré la crème de la crème. Au bout de deux ans, en 2008, l’un de nos étudiants, Mehdi Azzam, a remporté le premier prix du Festival international du film de San Sebastian, en Espagne.

Le cinéma, j’en suis aujourd’hui persuadé, repose sur de l’intuition. Il y a des gens qui ont un sens plus aiguisé que d’autres. Le sens du cadrage par exemple. Au cinéma c’est très important car cet art se résume finalement à cela, cadrer le monde en permanence. La réussite, elle, vient avec le travail.

Trouver sa voie

Akram Ziar, étudiant algérien en deuxième année de la filière montage et script de l’Esav.

« J’ai suivi un parcours particulier avant l’Esav et c’est la première chose que je fais avec plaisir. J’ai fait Sciences po, une formation d’aviation, puis j’ai commencé à travailler sur des tournages en tant que stagiaire ou assistant de production. C’était la première fois que je me réveillais à 5 heures du matin avec un grand sourire pour aller travailler. C’est à ce moment que j’ai décidé de candidater à l’Esav.

En ce moment, je travaille sur le remake de A nos amours de Maurice Pialat. J’ai le rôle de scripte sur le tournage. J’ai dû me mettre en contact avec le réalisateur pour que le scénario n’ai aucune lacune en terme de narration. Sur le tournage, je dois faire en sorte que le réalisateur garde les intentions qu’il avait lors de l’écriture du scénario. C’est un rôle assez difficile, je préfère le montage. »

Akram Ziar, étudiant à l’Esav

Les experts au service de la jeunesse

La réussite de l’Esav tient également aux nombreuses rencontres proposées aux élèves grâce au réseau de Vincent Melilli. Lundi 29 avril, il a invité Philippe Rousselot, chef opérateur oscarisé. Toujours sur les plateaux, le directeur de la photographie aime également se rendre dans les écoles de cinéma pour transmettre son savoir aux jeunes.

Un pays coupé en deux 

Le Cameroun est divisé en deux parties depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vaincue, l’Allemagne quitte le territoire qui est alors partagé entre la France, pour la partie orientale, et le Royaume-Uni, pour la partie occidentale. Le pays devient indépendant en 1960. Les mouvements séparatistes anglophones débutent après la proclamation de la République unie du Cameroun en 1972. Ces contestations prennent un tournant politique à partir du milieu des années 1990.

Aujourd’hui, ce pays d’Afrique subsaharienne vit une guerre civile qui passe inaperçue. Depuis novembre 2016, la minorité anglophone (20 % de la population du pays) proteste contre sa marginalisation. Les manifestations sont lourdement réprimées par le gouvernement en place.

La situation est alarmante, même si établir un bilan est compliqué. Il y aurait près d’1 millier de morts et 500 000 déplacés. Nées d’une crise socio-politique dans les régions anglophones du pays, ces tensions se sont transformées en conflit armé en 2017 entre les forces gouvernementales d’une part et différents groupes séparatistes d’autre part. La radicalisation de ce mouvement a été amplifiée par le blocage d’Internet dans une partie du pays entre février et avril 2017. Malgré une situation qui ne cesse de se dégrader, le conflit semble ignoré par la plupart des médias et la communauté internationale. Paul Biya, au pouvoir depuis trente-cinq ans, dissimule l’importance du conflit qu’il qualifie de simples « troubles ».