Boxer pour s’en sortir

Par Ariel GUEZ et Mélina RIVIERE

Photos : Mélina Rivière/EPJT

 

Si le football est le sport pratiqué à chaque coin de rue dans les quartiers populaires, les arts martiaux, et en particulier la boxe, séduisent la jeunesse. Les plus ambitieux quittent le pays pour tenter leur chance en France, à Tours. Mais c’est encore un sport en développement au Maroc. Beaucoup la considèrent comme simple loisir.

« C’est un futur grand. » Kriss Gourbé a un avis sans équivoque à propos de Yassine Elouarz, jeune boxeur marocain de 17 ans. Kriss l’accueille dans la salle qu’il gère depuis trois ans dans le quartier du Guéliz, à Marrakech. L’année dernière, son champion a décroché la médaille d’argent aux jeux Olympiques de la jeunesse à Buenos Aires (Argentine), l’une des meilleures performances de l’histoire de la boxe marocaine. Histoire qu’il entend bien continuer à écrire.

Yassine Elouarz a ramené une médaille d’argent aux jeux Olympiques de la jeunesse à Buenos Aires (Argentine) en 2018.

Photo : Mélina Rivière/EPJT

La performance est remarquable. Yassine a commencé la boxe dans un modeste club des quartiers populaires de Marrakech. « Il fait de la boxe pour des valeurs, il y a de ça, certes, mais il fait d’abord ce sport pour s’en sortir », explique son entraîneur Kriss Gourbé.

Si la jeunesse marrakchie s’est convertie à la boxe, peu ont l’objectif de devenir professionnel comme Yassine Elouarz. Abdennour, 15 ans, explique que « tous les arts martiaux sont populaires au Maroc, en particulier la boxe ». C’est son père qui lui a conseillé la salle. Après avoir essayé différents sports, il a finalement choisi la boxe. Depuis deux ans, il vient à la salle trois fois par semaine. Insomniaque, les entraînements l’ont aidé. Il affirme que « la boxe donne confiance en soi ».

Azzedine Tamsamani, boxeur professionnel et coach, guide les boxeurs dans leurs mouvements : échauffements, coup dans les sacs, évitements. Ici, hommes et femmes ne sont pas séparés. La parité semble respectée. Parmi les 400 membres que compte le Kriss Boxing Club il y a de plus en plus de jeunes et surtout des filles. « Il y a eu un changement des mentalités », explique le gérant.

Ilham a 24 ans. Elle vient d’être diplômée en ingénierie biomédicale. « Je fais de la boxe depuis peu, environ quatre ou cinq mois », indique-t-elle en replaçant son voile. Elle sourit en expliquant ne pas être encore arrivée au niveau qu’elle souhaite. Comme Abdennour, la boxe lui permet de gagner de la confiance en elle mais aussi de se sentir « un peu plus forte. »

Des cours collectifs ont régulièrement lieu dans la salle de Kriss Gourbé, animé par différents boxeurs professionnels.
Photo : Ariel Guez/EPJT

Le Kriss Boxing Club accueille la jeunesse de toutes les classes sociales en proposant des tarifs abordables, à partir de 180 dirhams la séance (18 euros). Ce lieu est aussi un temple pour boxeurs de haut niveau. Des membres de l’équipe nationale marocaine s’y entraînent ainsi que des espoirs. Ce mélange fait la fierté de Kriss Gourbé : « On a de bons équipements et de bons cours. Le Maroc n’est pas un pays du tiers monde. »

Dans quelques semaines, Yassine quittera Kriss et Marrakech pour rejoindre Nedjid El Baja à Tours, en France.
Photo : Ariel Guez/EPJT

Mais tout n’est pas rose au royaume chérifien. Car si l’argent existe, il n’est visiblement pas toujours investi à bon escient. Le budget du ministère de la Jeunesse et des Sports marocain s’élevait en 2018 à 3,1 milliards de dirhams (310 millions d’euros).

S’il a augmenté de 20 % en un an, les moyens du Maroc font pâle figure comparés à ceux de la France. En effet, sur la même période, 481 millions d’euros ont été mis à disposition des fédérations françaises tout sport confondu. La différence est d’autant plus sensible pour les sports mineurs dont fait encore partie la boxe.

Les clubs sont d’ailleurs peu nombreux à Marrakech, ce qui explique aussi pourquoi le Kriss Boxing Club est devenu, selon les dires de son gérant, « une référence » pour l’ensemble du pays. L’histoire de Yassine montre aussi qu’il y a un ascenseur des clubs populaires – où les moyens humains et matériels sont peu nombreux – vers des clubs plus huppés.

Malgré leurs ambitions, les jeunes boxeurs sont obligés de quitter le territoire national. C’est le cas de Yassine qui, malgré ses performances, n’a toujours pas de promoteur comme on appelle les agents dans le milieu de la boxe. Nejid El Baka, un ancien boxeur professionnel installé depuis vingt ans dans le quartier des Fontaines, à Tours, s’apprête à l’accueillir dans sa salle. « L’objectif est de venir apprendre en France et de véhiculer ce qu’il ont appris ici, au Maroc », explique-t-il.

Le partenariat entre sa salle de boxe et la fédération marocaine s’est fait naturellement. Néanmoins, il existe toujours des difficultés pour les jeunes boxeurs. « Le visa ne se donne pas comme ça », explique Nejid El Baja. Son coût est également important. Résultat, seuls cinq jeunes boxeurs marocains de haut niveau ont pu poser leurs valises à Tours.

Yassine sera le sixième. Parmi les anciens passés par la salle de la place Johann-Strauss, certains se sont élevés socialement grâce à leur sport. « Bien sûr, la boxe peut les aider », témoigne Nedjid. Il raconte l’histoire d’un jeune ayant grandi dans les quartiers populaires marocains et aujourd’hui coach d’un des ministres du pays.

S’il est conscient que la boxe professionnelle est réservée aux plus grands, Yassine est bien entouré et compte aller au bout de ses rêves.

Un pays coupé en deux 

Le Cameroun est divisé en deux parties depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Vaincue, l’Allemagne quitte le territoire qui est alors partagé entre la France, pour la partie orientale, et le Royaume-Uni, pour la partie occidentale. Le pays devient indépendant en 1960. Les mouvements séparatistes anglophones débutent après la proclamation de la République unie du Cameroun en 1972. Ces contestations prennent un tournant politique à partir du milieu des années 1990.

Aujourd’hui, ce pays d’Afrique subsaharienne vit une guerre civile qui passe inaperçue. Depuis novembre 2016, la minorité anglophone (20 % de la population du pays) proteste contre sa marginalisation. Les manifestations sont lourdement réprimées par le gouvernement en place.

La situation est alarmante, même si établir un bilan est compliqué. Il y aurait près d’1 millier de morts et 500 000 déplacés. Nées d’une crise socio-politique dans les régions anglophones du pays, ces tensions se sont transformées en conflit armé en 2017 entre les forces gouvernementales d’une part et différents groupes séparatistes d’autre part. La radicalisation de ce mouvement a été amplifiée par le blocage d’Internet dans une partie du pays entre février et avril 2017. Malgré une situation qui ne cesse de se dégrader, le conflit semble ignoré par la plupart des médias et la communauté internationale. Paul Biya, au pouvoir depuis trente-cinq ans, dissimule l’importance du conflit qu’il qualifie de simples « troubles ».