Photo EPJT
Depuis l’enfance, Catrina Ionescu rêve de créer des vêtements. Elle a tout appris toute seule, de la couture au design. Une jeune femme décidée qui sait ce qu’elle veut.
Par Răzvan George Stroie, Bucarest.
Catrina, 23 ans, est actuellement étudiante à la Faculté de journalisme et des sciences de la communication, section Publicité. Mais ces dernières années, elle a tenté à trois reprises de postuler une faculté des Arts où elle n’a pas réussi à entrer. Elle aurait également aimé étudier la mode à l’étranger, notamment en Angleterre, mais le Brexit lui a fermé cette porte.
« On me dit, depuis que je suis petite, que je ne sais pas dessiner, que je n’ai pas de talent »
Ces obstacles ne l’ont rendue que plus ambitieuse. Elle a suivi des cours de couture sur son temps libre pour apprendre à utiliser une machine à coudre et à fabriquer des vêtements.
Autre challenge, le dessin. Un domaine très important pour le stylisme, mais dans lequel Catrina n’était pas à l’aise à cause du jugement de son entourage : « On me dit depuis que je suis petite que je ne sais pas dessiner, que j’ai pas de talent. » Cela l’a poussée à abandonner un temps, jusqu’à ce qu’elle se décide à apprendre par elle-même. En commençant d’abord par copier des croquis. Les siens, au début, lui semblaient « horribles, niveau scolaire, préscolaire ». Avec le temps, elle s’est améliorée. Maintenant, elle fait tout elle-même.
Sa passion pour la mode remonte à son enfance. Elle passait ses journées assise devant l’ordinateur à jouer à des jeux où elle habillait et coiffait des poupées virtuelles. C’est ainsi qu’elle a développé son intérêt pour le stylisme. Aujourd’hui, elle est prête à passer de la combinaison des vêtements des autres pour se façonner un style à la confection de ses propres vêtements.
Son idole, c’est Jeremy Scott, directeur artistique chez Moschino. Le style du « rebel de la mode » est caractérisé par des éléments pop art à la Andy Warhol, mais aussi par une approche très avant-gardiste, voire provocatrice, de la mode que l’ont retrouve dans ses sacs décorés de bonbons, de glaces ou de monstres ou son parfum, Moschino Fresh Couture, vendu dans un flacon de produit ménager.
Si les designs de son idole sont colorés, accrocheurs et extravagants, les vêtements de Catrina sont plutôt des « créations simples, sombres et gothiques ». Ils rappellent la culture alternative à laquelle elle appartient. Des influences qu’elle a piochées dans l’univers punk rock et sur Internet. Elle aimerait développer cette inspiration dans ses vêtements
Sa vision de la mode est « orientée vers l’avenir et vers la jeunesse ». Elle ne cherche donc pas à s’inspirer du folklore roumain. Elle considère qu’il y a suffisamment de personnes qui le font déjà.
Photo Catrina Ionescu/Neophema
Pour elle, ces créateurs s’adressent principalement à un public plus âgé. « Tout le monde essaie de vendre quelque chose sur le dos du patriotisme roumain, mais est-ce vraiment de la création ? »
Pour nous décrire son style, Catrina décrit un costume qu’elle a confectionné quand elle ne savait pas encore utiliser une machine à coudre. C’est une tenue qu’elle a portée à Rock en Seine, à Paris, où elle a vu pour la première fois son artiste préféré, Yungblud. Un moment clé de son évolution en tant que créatrice, dit-elle. Pour en garder à jamais le souvenir, elle a précieusement rangé ce vêtement dans son placard.
Elle a aussi un costume en jeans recyclés qu’elle a confectionné lorsqu’elle est allée voir Yungblud au festival Summer Well en Roumanie. Un vêtement, fabriqué à partir des jeans de son petit ami, qui représente la transition « de la fangirl adolescente à la jeune femme adulte ».
Le plus compliqué pour Catrina, c’est de trouver l’argent pour investir dans la création et le développement de son entreprise. Un problème auquel sont confrontés tous les créateurs qui tentent de démarrer de manière totalement indépendante.
Photo Catrina Ionescu/Neophema
Si elle n’a fait pas d’études concrètes dans le domaine de la mode, elle ne considère pas cela comme un obstacle. La seule chose qui lui manque, ce sont les contacts qu’elle aurait pu nouer au sein de l’université. Mais elle préfère réussir seule, en autodidacte, et travailler dur. Cela la laisse libre de faire ce qu’elle veut vraiment.
Elle aimerait créer sa propre marque en Roumanie parce qu’ici elle a appris par elle-même comment se procurer ce dont elle a besoin et qu’elle connaît déjà le marché. En même temps, elle aimerait travailler dans une grande entreprise pour apprendre et voir comment les choses se passent dans les coulisses.
En Roumanie, le monde de la mode post-communiste n’est pas encore aussi développé qu’à l’étranger. Mais cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de nouvelles marques comme Murmur. Depuis 2011, celle-ci est entrée dans les garde-robes de célébrités telles que Lady Gaga, Beyoncé et Dua Lipa. « Cette marque montre que c’est aussi possible de réussir en Roumanie. »
La dernière étape, et probablement l’une des plus importantes qui lui restent à franchir, c’est d’apprendre à vendre un produit. C’est pourquoi elle a choisi une formation universitaire axée sur la publicité.
Fan d’oiseaux, elle est propriétaire de deux perruches et d’une calopsitte. Ce n’est donc pas un hasard si sa marque s’appelle Neophema, du nom d’une espèce de petite perruche au plumage vert rehaussé de bleu, de rouge, de turquoise et de jaune. Catrina a créé plusieurs pages sur les réseaux sociaux et une boutique Etsy sur laquelle elle souhaite publier les vêtements personnalisés qu’elle confectionne.
Après des années d’essais, de refus et de préparation, la jeune femme est sur le point de réaliser son rêve d’enfant : devenir créatrice de mode. Un rêve qu’elle s’est forgé toute seule. Tout le monde ne peut pas en dire autant.