Timotei, le grand Mister

Photo : Maylis Ygrand/EPJT

En novembre 2023, Timotei Nadrag a été élu, à 19 ans, Grand Mister de son université. Si au départ son envie de concourir pour ce titre partait d’un désir de reconnaissance auprès de ses camarades, sa motivation s’est vite transformée en challenge personnel.

Par Zeïneb Hannachi

Originaire de Slobozia, au sud-est de la Roumanie, Timotei est issu d’une famille modeste. Mais la faculté où il étudie l’administration des affaires dans une langue étrangère, est plutôt fréquentée par de jeunes gens fortunés. « Au départ je voulais juste participer pour dire “je suis là” », confie-t-il.

Ce n’est pas la première fois que Timotei concourt pour le titre de Grand Mister. Il a déjà été sacré à 16 ans, pendant ses années lycée. A cette époque, il voulait juste être populaire car il ne se trouvait pas très beau. Mais cette année, ses motivations ont changées.

L’élection des Miss et Mister est un événement très attendu chaque début d’année scolaire dans les lycées et les universités de Roumanie. Cette tradition s’inspire de celle des rois et des reines de promotion venue tout droit des Etats-Unis. L’élection a lieu lors d’un bal organisé par le bureau des élèves de chaque établissement. Le véritable objectif, derrière tout cela, est de faire en sorte que les jeunes s’intègrent dès leur arrivée et fassent de nouvelles rencontres.

Il n’y a pas vraiment de présélection.Il suffit simplement de manifester son envie de participer à l’évènement. Le concours fonctionne en duo mixte, d’un côté les mister, de l’autre les miss. A la faculté où étudie Timotei, les duos sont imposés, mais chaque école a ses propres règles.

Le vote décisif des enseignants

Parmi les quatre titres mis en jeu lors de ce concours, celui de la popularité est particulier car il se passe uniquement sur les réseaux sociaux. Chaque candidat postent une photo sur ses comptes personnels et demande à sa communauté d’aimer la publication. Les participants prennent le sujet très au sérieux et posent à la manière de mannequins professionnels sur les clichés qu’ils partagent. Ceux qui remportent le plus de j’aime sont sacrés Mister et Miss popularité. « J’ai demandé à mes amis d’aimer ma publication sur les réseaux sociaux. Mais j’ai vite arrêté car je préférais resté humble et ne pas gagner ainsi », explique Timotei.

Contrairement aux Etats-Unis, où l’aspect physique est le critère principal d’une victoire, en Roumanie, la beauté n’est pas suffisante pour remporter le trophée. Il y a d’autres manières de gagner, par exemple grâce à la vente de tickets d’entrée au bal qui permet, d’obtenir des votes supplémentaires.

Sur les réseaux sociaux, tout le monde peut voter, à savoir, les personnes extérieures aux écoles, mais aussi l’entourage des candidats. Cela favorise donc les jeunes qui sont très présents dans la sphère numérique. Contre tout attente, ce sont les enseignants qui jouent un rôle majeur lors de de la cérémonie car c’est à eux que revient le vote déterminant.

Pour se distinguer, trois épreuves non éliminatoires attendent les candidats lors de la soirée d’élection. Ils doivent défiler une première fois sur le podium avec leur binôme. Puis ils offrent au public une ou plusieurs performances artistiques. Lors de son passage, Timotei a choisi de présenter une danse de couple. Mais il a aussi présenté une scène de théâtre et même une peinture qu’il a réalisée. Les candidats terminent par un second défilé sur le podium, seuls cette fois-ci.

Pour son élection, Timotei a défilé deux fois, il a présenté un petit spectacle et une toile qu’il avait peinte. Photo : Timotei Nadrag

Timotei, qui était en concurrence avec sept autres garçons, a remporté le premier prix. Un gâteau qu’il a partagé en famille lui a été remis en plus de deux autres lots offerts par les marques partenaires de la faculté. Un voucher de 200 dollars (environ 182,25 euros) uniquement utilisable dans le cadre d’un programme d’échange aux Etats-Unis avec son école. Ainsi qu’un produit pour cheveux qu’il n’utilise pas.

Il se souvient avec amusement de ses professeurs qui sont venus le féliciter le lendemain de son élection et qui ont tous dit fièrement qu’ils avaient voté pour lui.

La légitimité de gagner

Pour financer ses études, Timotei a obtenu une aide de l’Etat grâce à ses bons résultats au baccalauréat. Autour de lui, ses camarades sont « riches et snobs ».L’attitude qu’ils adoptent le révolte. Pour les garçons comme les filles, ils sont plusieurs à avoir dépensés jusqu’à 3 000 euros dans des habits de marque juste pour la cérémonie. Les candidats devaient porter deux tenues différentes. Timotei, qui n’avait pas les moyens de s’offrir des costumes neufs, s’est contenté d’en emprunter un à son oncle.

Timotei a également acheté les vêtements et les chaussures les moins chers qu’il a pu trouver, en soldes ou de seconde main. Il avoue que le prix a joué sur son choix vestimentaire. Il précise qu’il n’a pas trouvé nécessaire de demander de l’argent à ses parents pour ses achats. Lors des derniers préparatifs du concours, un étudiant fortuné a critiqué sa condition sociale. Réaction de Timotei : « C’est ce qui m’a poussé à me donner encore plus à fond pour gagner. »

Timotei gardera le titre de Grand Mister pendant ses trois années d’études à l’université. Depuis sa victoire, ses camarades le reconnaissent dans les couloirs de l’école, mais il l’assure, cela ne change en rien son quotidien. Lors de la soirée d’élection, il a tout de même pris une revanche personnelle. Bien qu’il soit conscient que le pouvoir d’achat élevé de ses camarades les favorisaient pour remporter le trophée, il a prouvé qu’il était possible de gagner, peu importe son origine sociale.