S’impliquer pour la famille LGBT

George Ionesi est salarié de l’association MozaiQ. Celle-ci est installée à Bucarest depuis 2015.

Dans un pays qui a dépénalisé l’homosexualité il y a à peine plus de vingt ans, George Ionesi milite pour les droits des LGBT, au sein de l’association MozaiQ. Il s’inquiète des résultats des prochaines élections législatives et d’une possible victoire de l’extrême-droite.

Par Maylis Ygrand (texte et photos)

Sarah Hegazy. Voici la femme, qui a poussé George Ionesi à s’impliquer pour les droits de la communauté LGBT en Roumanie. Lors d’un concert au Caire, cette militante égyptienne a brandi un drapeau arc-en-ciel. Arrêtée, elle a été torturée pendant plusieurs mois. À sa sortie de prison, elle s’est réfugiée au Canada où, souffrant d’un stress post-traumatique, elle a fini par se suicider.

Cette tragédie a été un véritable déclic pour George Ionesi : « Comment cela peut-il arriver ? Je devais m’impliquer et faire quelque chose. » C’est à cette période, en 2019, que sa route croise celle de MozaiQ. Cette association est né en 2015. A cette époque, le tissu associatif de LGBT de Bucarest est uniquement constitué de l’association Accept. Conscient de faire partie de la communauté depuis ses 15 ans, George Ionesi décide, en tant qu’homme gay, de passer le cap du militantisme.

George Ionesi dans son bureau à MozaiQ, ma famille dit-il..

Aujourd’hui, MozaiQ compte de 90 membres, dont George. Elle apporte son aide en proposant des thérapies gratuites et en servant de refuge d’urgence. Elle est également à l’origine de divers événements, comme la marche de protestation Tradiția noastră este iubirea [Notre tradition est l’amour] qu’elle organise, chaque mois d’octobre, afin de rassembler la communauté dans la lutte pour leurs droits.

D’abord bénévole, George Ionesi est aujourd’hui, à 24 ans, un des salariés de l’association, même s’il n’a « pas l’impression de travailler » mais plutôt d’être en famille. En effet, continue-t-il, « je voulais d’abord être bénévole pour faire grandir la

communauté et faire partie de quelque chose de plus grand. Et ici, nous sommes une famille  ».

Dans un pays où l’homosexualité a été dépénalisé il y a à peine plus de vingt ans et où l’influence de l’Église orthodoxe est particulièrement forte, cette famille se mobilise pour faire face aux diverses discriminations dont elle est victime. S’appuyant sur les remontrances de la Cour européenne des droits de l’homme afin que la Roumanie reconnaisse le partenariat civil entre personnes de même sexe, MozaiQ a lancé une nouvelle opération : « Cela s’appelle IUBIM LA FEL [Nous aimons de la même manière]. C’est une campagne nationale pour le partenariat civil. » En effet, en Roumanie, les mariages et partenariats entre personnes de même sexe ne sont toujours pas reconnus.

Cependant, leurs différentes actions ne semblent pas atteindre les politiques. George Ionesi dénonce « le silence des parlementaires en ce qui concerne la communauté LGBT  » et ajoute : « C’est une invisibilité qui me semble plus accentuée par rapport aux années précédentes. » En effet, le militant appréhende les prochaines élections législatives qui se dérouleront en 2024. Selon lui, chaque parti a certes des opinions homophobes mais « le parti d’extrême-droite,  l’AUR [Alianța pentru Unirea Românilor ou L’Alliance pour l’union des Roumains] est le pire de tous et s’ils gagnent, ils prendraient une très mauvaise direction pour les droits de l’homme en Roumanie ».

« La jeunesse est plus ouverte à la communauté LGBT et aux droits humains en général »

D’après George, les mouvements d’extrême-droite progressent en Roumanie. Ainsi, en octobre dernier, alors qu’il défilait au sein de la marche Tradiția noastră este iubirea [Notre tradition est l’amour], cette dernière a été perturbé par une anti-manifestation organisée par l’extrême-droite. Au début, ils avaient leur propre itinéraire mais certains ont fini par emprunter le même chemin que celui des militants LGBT, ce qui a conduit à l’intervention de la police. « Un événement qui ne s’était pas produit l’an dernier, c’est pourquoi cela fait peur. »

Cette anti-manifestation a rejoint le mouvement de la Marșul pentru familia tradițională [La Marche pour la famille traditionnelle] qui se déroule au lendemain de la Pride comme « une marche de réponse », explique George.

Cependant, le militant gay ne désespère pas. Il trouve « la jeunesse plus ouverte à la communauté LGBT et aux droits humains en général ». Il se base sur un baromètre d’opinion, créé par l’association MozaiQ, qui concerne la communauté LGBT. Il indique que les jeunes Roumains sont, par exemple, plus ouverts à l’idée de partenariat civil entre personnes de même sexe.

Ainsi, George Ionesi ne compte pas quitter la Roumanie pour un pays où ses droits seraient plus respectés. Même si l’extrême-droite gagne les élections législatives de 2024, il ne veut pas partir : « J’essaye d’aider la communauté LGBT ici, de faire changer les choses. »