« 70 % des contenus racontent une histoire de discrimination »

Ilinca Bulai travaille aujourd’hui chez Orange, dans la communication.

En 2018, le gouvernement social-démocrate roumain a organisé un référendum, afin de faire entrer dans la Constitution l’interdiction du mariage gay. Une poussée conservatrice qui a donné l’idée à Ilinca Bulai, alors étudiante, de rédiger son mémoire sur la communauté LGBTQ roumaine sur TikTok.

Recueilli par Maylis Ygrand – Photos : Zeïneb Hannachi/EPJT

En septembre dernier, Ilinca Bulai, elle-même bisexuelle, a soutenu son mémoire : TikTok, espace pour dénoncer des situations de discrimination : le cas de la communauté LGBTQ en Roumanie. Au travers de différents profils, elle a étudié comment la communauté LGBTQ se réappropriait une partie de l’espace public grâce au réseau social chinois.

Quel était l’objectif de votre mémoire ? 

En 2018, il y a eu un référendum pour faire entrer l’interdiction du mariage gay dans la Constitution. L’idée m’est alors venue d’écrire un mémoire concernant la communauté LGBT. Je me suis donc lancée sur la manière dont elle s’est approprié le réseau social TikTok.

J’ai sélectionné 150 vidéos, issues de 34 comptes. J’ai choisi ces comptes car ils étaient tenus par des personnes qui s’étaient déclarées publiquement comme faisant partie de la communauté LGBTQ. Le but, c’était d’examiner comment chacun de ces membres choisissait d’utiliser le réseau social. J’ai ensuite choisi certaines vidéos en fonction de leur contenu. Par exemple, je n’ai pas pris celles où les personnes racontaient ce qu’elles avaient mangé. J’ai sélectionné celles où il était dit quelque chose en lien avec la communauté, comme par exemple les coming-out.

De quoi parle la communauté LGBTQ roumaine sur les réseaux sociaux ?

Ilinca Bulai pense que ces contenus ont des effets bénéfiques sur les plus jeunes.

Tout d’abord, j’ai pu calculer que 70 % des 150 vidéos que j’ai examinées parlait de situation de discrimination. Concrètement, lorsque la communauté LGBTQ roumaine s’exprime sur TikTok, 70 % des contenus racontent une situation de discrimination. J’ai ensuite pu diviser ces contenus en trois catégories : les cas généraux de discrimination, comme par exemple le fait de refuser de servir quelqu’un, les incitations à la haine et les violences. D’ailleurs, j’ai pu remarquer que, concernant ces dernières, la plupart du temps, les victimes étaient des personnes transgenres, comme Daria Jane et Antonella Vilanova.

Les profils sélectionnés ont-ils des points communs ?

J’ai pu observer que 53 % des comptes que j’ai étudiés, soit la majorité, étaient tenus par des personnes âgés de moins de 25 ans. En plus, pour un tiers des comptes étudiés, je n’ai pas pu trouver d’âge précis. On pourrait donc penser que cela pourrait être, dans une plus ou moins grande proportion, des moins de 25 ans.

Comment la communauté LGBTQ témoigne des situations de discrimination sur TikTok ?

Avec humour ! En effet, la majorité des vidéos relatives à des situations de discrimination utilisent des allusions ou des jeux de mots pour en témoigner. Peut-être est-ce un moyen de se défendre ? Ou peut-être est-ce pour déjouer l’algorithme ?