Au revoir, Roumanie. À l’image de certains de ses proches, Costin Dino a prévu d’émigrer en Europe de l’Ouest.
À Bucarest, les jeunes rêvent d’ailleurs. Parmi eux, Costin, 19 ans, souhaite émigrer en Norvège à la fin de ses études. Il espère y trouver une culture plus en accord avec ses valeurs.
Par Maylis Ygrand – Photos : Zeïneb Hannachi/EPJT
Étudiant en informatique, il a prévu d’émigrer au sud de la Norvège à la fin de son cursus en Roumanie. Un projet loin d’être exceptionnel dans le pays. Malgré une croissance démographique en 2022 due principalement à une forte immigration, la Roumanie reste une terre d’émigration.
Costin Dino étudie l’informatique à Bucarest et passe ses week-end, avec sa famille, à Slobozia.
Depuis la chute du communisme en 1989, le pays se vide peu à peu de ses habitants. Et les jeunes ne sont pas en reste. En 2022, d’après l’Institut national de statistique, les 15-29 ans représentent 31 % des émigrés. Ce sont donc 2 % des jeunes Roumains qui décident de faire leurs valises et de quitter leurs terres natales cette année-là. Direction notamment l’Europe de l’Ouest, souvent perçue comme un eldorado.
L’une des raisons de leur départ ? Les mauvaises conditions économiques. En juin 2023, selon Eurostat, le taux de chômage chez les moins de 25 ans atteignait 22,3 % en Roumanie. Comparativement, l’Union européenne affichait une moyenne de 14,3 %. En France, le taux est de 16,4 %.
Dans le cas de Costin, tout démarre par un rêve d’enfant. Une lueur s’allume dans son regard bleuté alors qu’il raconte cette soirée qui a peut-être changé sa vie. Il rembobine le fil jusqu’à arriver, des années en arrière, jusqu’à la scène : campé devant le poste de télévision au côté de sa mère, il découvre les aurores boréales : « C’est quel super-héros ? », s’écrie-t-il croyant à des effets spéciaux. Sa mère doit lui montrer le phénomène lumineux sur Internet pour le convaincre de sa réalité. Et face à sa beauté, il finit par affirmer qu’il ne pourra pas « mourir sans en voir ».
Ces dernières années, Costin s’est ainsi fixé tout un calendrier. Conscient de la difficulté de quitter sa famille et ses amis, il souhaite être sûr de son choix avant de poser ses valises. C’est pourquoi, il a prévu qu’à la fin de son master, dans cinq ans, il partirait deux semaines au pays des Fjords « pour tâter le terrain ». Après ce premier contact avec le pays rêvé, il prévoit d’y repartir un mois. Un mois pour trouver du travail et se décider. S’il finit par émigrer, il se rapprochera d’une partie de sa famille installée en Angleterre. Des tantes et des oncles qui l’ont rassuré en lui expliquant qu’il peut « partir sans se retourner ».
Initié par un rêve d’enfant, son projet a maintenant mûri. Certains de ses amis sont partis à cause du chômage, ce n’est pas son cas. Il reste conscient des meilleures conditions économiques qui l’attendent ailleurs, mais c’est pour lui un plus qui le conforte dans son aspiration.
« Le système éducatif roumain n’incite pas à s’intéresser aux questions climatiques et à la préservation de la nature »
Il a découvert, dans le modèle norvégien, une culture qui lui correspond plus. « Je ne veux pas partir parce que je déteste la Roumanie mais par rapport aux liens qu’entretient la Norvège avec la nature et le sport. » Ces deux points sont primordiaux dans sa vie. Il se voit déjà pagayant sur les rivières, escaladant les montagnes jusqu’à toucher le soleil de minuit. Des paysages dont les Norvégiens « prennent soin ». Selon lui, ils s’assurent que leurs initiatives technologiques ne sont pas néfastes pour l’environnement. Et c’est d’ailleurs une préoccupation qu’il aimerait retrouver plus tard dans son travail.
« Le système éducatif roumain n’incite pas à s’intéresser aux questions climatiques ni à la préservation de la nature », déplore Costin. Ainsi, dans un pays qui regroupe plus de 50 % des forêts primaires européennes, le sujet de leur préservation ne s’inscrit pas au cœur des préoccupations. Lui-même ne se définit d’ailleurs pas comme « engagé ».
Néanmoins, il reste ouvert à l’idée de revenir un jour en Roumanie, pour mettre en place des initiatives inspirées du modèle norvégien. Ne serait-ce donc qu’un au revoir ?